HAGAR

Hagar a un rôle crucial, tant pour le récit biblique que pour l’Islam, mais la réception de ce personnage est assez particulière dans les traditions monothéistes. C’est une exilée, un peu comme Abram/Abraham, forcée à l’exil, trois fois plutôt qu’une. D’ailleurs, son nom peut être traduit par exil ou exilée : la racine trilitère HGR est la même que celle qui se trouve au mot hégire ou hijra en arabe, qu’on peut traduire par « exil », « rupture », « séparation » ainsi que par « immigration », en raison du départ de Mohammed à Médine correspondant avec le début du calendrier musulman, mais aussi « rupture de liens » (sous-entendu : familiaux, ce qui n’est pas à prendre à la légère dans le cas qui nous intéresse) et figure dans le livre de la Genèse, aux chapitres 16, 21 et 25. 

Hagar biblique
On connait l’histoire. Saraï, la première femme stérile de la Bible, encourage son mari à s’unir avec Hagar, sa shifhah et/ou sa amah (les deux termes sont utilisés), c’est-à-dire son esclave et/ou sa servante à elle (je précise) pour avoir un enfant. En effet, Hagar, ne serait pas une esclave ou une domestique ordinaire selon Savina Teubal, mais la propriété particulière de la femme-sœur d’Abram, lequel n’est alors qu’exalté et pas encore père d’une multitude. Présentée d’emblée comme l’Égyptienne, Hagar est probablement un cadeau offert à la belle Saraï par le pharaon au moment de leur visite (Gn 12, 10). Toujours selon Teubal, le mot shifhah désignerait, dans le cas présent, une mère porteuse pour une prêtresse stérile. Le fait que Hagar ait été sans enfant avant même d’entrer au service de Saraï la laisse penser qu’elle était elle-même prêtresse (!) et devrait être considérée comme une membre du clan ou une partie de la famille de statut égal. Rare exégète à soulever la sororité des deux femmes, Teubal affirme que l’une est la compagne de l’autre, ainsi que le suggère le mot mishpahah qui a la connotation d’être ensemble, mais aussi parce que Hagar n’est pas aussi disponible sexuellement que certains ont voulu le faire croire. D’ailleurs, elle n’a qu’un seul enfant, alors que la propriété d’une femme esclave signifie non seulement le droit d’utiliser sa force physique, mais aussi, son corps (les membres masculins de la famille), et ce, autant à des fins récréatives que reproductives, et aurait pu donner une nombreuse descendance au premier patriarche pendant les dix-sept ans de leur vie commune (évaluation de Teubal) et, ainsi, être reconnue comme première matriarche… O God ! 


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Quoi qu’il en soit, plusieurs années après ce « potentiel don », Hagar tombe enceinte d’un autre don, comme il se doit. Dès lors, elle change soi-disant d’attitude à l’endroit de Saraï, laquelle n’est évidemment pas, sans son rire, la Sarah que la plupart connaisse. Du moins, là, elle ne rit pas, mais pas pantoute ! Elle parle d’une injure qui lui est faite, après qu’on ait pu lire que « sa maîtresse ne compta plus à ses yeux » (Gn 16, 4). Autrement dit, elle serait méprisée par plus petite que soi – devenue pourtant alors grosse, ne l’oublions pas, car ceci explique un peu cela – et répond à cet affront par une maltraitance. Un mauvais traitement donc ou qui fait mal, on n’est pas plus prolixe sur cette affaire que sur le mépris premier. Voilà un beau cadeau offert par les rédacteurs aux exégètes ! On ne sait pas grand-chose, mais on sait que, si Saraï ne rit pas, elle ne parle pas à Hagar (en fait, elle ne lui adresse jamais la parole), mais contre elle à son époux-frère, qui s’en lave les mains dans la mesure où la femme enceinte est la propriété particulière de Saraï (on verra qu’il se lave souvent les mains de la situation des gens qui l’entoure, comme c’est déjà le cas en Égypte plusieurs versets plus tôt et que ce le sera encore plus tard au pays de Moriyya). On peut toutefois imaginer que, Hagar, pas folle, après avoir potentiellement reçue une volée, fuit dans le désert, où un ange la trouve et lui dit de rentrer et d’obéir à Saraï. Ledit « homme de Dieu » lui prédit également une descendance nombreuse (comme avec Abram/Abraham en Gn 12, 2; 15, 4-5) et il lui dit d’appeler son fils Ismaël, car « Dieu a entendu » sa demande, qui n’est pourtant jamais formellement formulée, son humiliation ou sa détresse, selon la traduction du verset 16, 11 de la TOB détresse, elle, manifeste par son départ de la maison de Saraï. Ce passage dans le désert, mais surtout dans le bestseller de tous les temps – première annonciation et bénédiction directe de Dieu (16, 11-12) – importe plus qu’il n’y paraît, entre autres, parce qu’il montre que Hagar est le premier personnage féminin dans la Bible qui rencontre Dieu, Lequel lui parle directement, à elle, une « esclave » égyptienne ! De plus, après le joli chassé-croisé de regards (« Tu es Dieu qui me voit… Est-ce bien ici que j’ai vu après qu’il m’a vue ? » (Gn 16, 13-14)), Hagar devient la seule femme qui nomme un lieu après une vision dans ce livre qu’on n’a toujours pas finit de (re)lire. En effet, le puits auprès duquel l’événement a eu lieu s’appelle « le puits de Lahaï qui me voit » (Lakhaï Roï en hébreu, soit un jeu de mots qu’on peut traduire « au vivant qui me voit », Gn, 16, 14). 

Cela étant dit, poursuivons, un peu à l’instar de Hagar, qui écoute l’ange et revient sur ses pas – les premiers pas vers une possible émancipation –, met au monde l’enfant et vit avec le vieux couple pendant d’autres longues années (résiliente la Hagar!). Puis, Saraï devient Sarah, Abram devient Abraham, car Isaac s’ajoute à cette étonnante petite famille. Les deux garçons, Ismaël (la demande entendue) et Isaac (la bonne joke, parce que tout le monde rit! (la pognes-tu?)), sont élevés ensemble, mais, arrive le moment où Sarah demande à Abraham qu’Hagar soit éconduite avec son fils (leur fils, à toustes!), parce qu’elle ne veut soi-disant pas qu’il hérite avec Isaac (Gn 21, 9-10). Peut-être faut-il simplement entendre que Sarah ne reconnait pas ce fils comme étant celui ni d’Abraham ni d’elle-même…ce qui ramène à la question du statut de mère porteuse d’Hagar et son rôle de matriarche que j’ai auparavant soulevée. Quoi qu’il en soit, Abraham est attristé (fâché selon la traduction de la TOB, ce qui, à mes yeux, est peut-être beaucoup plus à propos, même si, comme je l’ai écrit, il semble souvent se soucier comme d’une guigne du sort d’autrui) par la demande de sa femme. Mais, une fois de plus, Dieu intervient et lui demande de respecter sa demande (faut croire que Saraï/Sarah, malgré ses comportements sérieusement questionnables, est dans les bonnes grâces du Créateur et qu’en ce début du monde selon la Genèse, Dieu a les oreilles grandes ouvertes !). Hagar et Ismaël sont donc chassés dans le désert de Beer-Shev’a par Abraham, qui leur offre du pain et une outre d’eau (nécessairement insuffisante pour une pareille errance). Autrement dit, il ne leur laisse pas grand-chose pour survivre à une pareille épreuve (dixit la fille qui est partie trois jours dans le Sinaï avec pas assez de liquide), voire signe leur arrêt de mort... Père indigne! On ignore le temps qui s’écoule entre le moment du départ forcé et celui où l’outre est vide, n’empêche que ce dernier forcément arrive. Hagar, alors ne revient pas sur ses pas. Elle ne le peut pas. Elle peut toutefois poser son enfant sous un arbuste, puis s’en éloigner pour ne pas assister à sa mort. Alors, Hagar (se) parle et pleure. Plus précisément, au verset 21, 16, elle affirme qu’elle ne veut pas être témoin (ou martyre) de cette fin. Hormis que ce ne soit pas rien parce que ça m’amène à une étymologie chérie, cette affirmation est vraiment quelque chose! C’est sa seule objection ! Hagar ne résiste jamais à ce qu’on lui demande ! ainsi, cette étrange parole, dont l’adresse demeure mystérieuse, interrompt la spirale de soumission. Il n’en demeure pas moins que c’est la voix du garçon que Dieu entend (quelle surprise, dis-je ironiquement), ce qui s’avère encore plus étrange, puisqu’il n’est pas question de ses plaintes ou lamentations (Dieu serait-il donc toute ouïe aux plaintes silencieuses des hommes et même leurs male tears (j’exagère) plus qu’aux pleurs et aux cris des femmes ?). Hagar ne serait-elle qu’une médiatrice entre Dieu et Ismaël ? Pourtant, l’ange, de retour, appelle Hagar pour la rassurer (bonjour beau chassé-croisé communicationnel). La parole aimée : « ne crains pas » surgit, puis « Dieu lui ouvre les yeux » (Gn 21, 19) à Hagar (bien sûr, parce qu’Ismaël, lui, probablement un ado à ce moment, ne peut pas trouver d’eau). Alors, une fois le regard dessillé comme Adam et Ève, elle peut voir un puits avec de l’eau, auquel elle remplit l’outre pour son garçon. Autrement dit, Dieu fait apparaître un puits là où il n’en avait probablement pas et les rédacteurs nous laisse penser qu’Hagar, un peu idiote, regarde peut-être comme un homme dans le frigidaire ; ) ou, ayant justement les yeux pleins d’eau – tiens donc! –, ne voyait pas. Je pousse le bouchon, car le jeu de mots ne peut, lui, nous passer sous le nez (pour ne pas parler des yeux). En effet, dans les belles langues sémitiques que sont l’hébreu et l’arabe (il y en a d’autres, mais là n’est pas mon propos), c’est le mot ayn qui sert à désigner tant un puits qu’un œil. Hagar voit-elle le puit ou l’œil ? Qu’est-ce qui apparaît soudainement au regard ? Où se trouve donc cette eau ? Devrait-on voir dans ce passage une mère réalisant simplement qu’elle peut faire abreuver son enfant avec ses larmes ? Doit-on reconnaître que les êtres de sexe féminin, dès le départ, s’avèrent des sourcières, comme dans tant de récits de l’un et l’autre testaments semblent l’indiquer ? Ici, Dieu ne redonne pas de l’eau. En fait, dans le dernier retranchement de l’Exilée qui ne veut pas être forcée de voir la mort de son fils, un peu comme la mère des sept fils Maccabée, Dieu fait plutôt voir la source ou l’œil. Ce faisant, Il fournit des outils pour le salut plus qu’il ne sauve directement Hagar et son enfant. Et, parce que ces deniers sont en quelque sorte des étrangers, Il confirme que la survie de tous l’interpelle. C’est donc déjà un Dieu universel, pas que Celui de celleux qui scellent son alliance, mais dont la présence aide à survivre, ne libère pas…ce qui laisse place au débat... Toutefois, c’est vers un autre désert et/ou une autre source que j’ai envie d’avoir soif et de boire. 


Alma Padrosa


Hagar islamique 
Des siècles plus tard, on retrouve Hagar en Islam. Or, bien qu’elle soit à l’origine de ce monothéisme, elle n’est pas mentionnée dans le Coran, alors qu’Ismaël l’est douze fois et Abraham, soixante-dix-huit fois ! Ainsi que l’écrit Benslama, elle n’existe pas, ni sa fuite, ni son renvoi, ni l’abandon de l’enfant ne sont mentionnés dans le texte coranique (2002 : 161). En fait, dans la Sourate Ibrahim, Ismaël est le fils d’Abraham, pas de sa mère, comme c’est le cas dans Genèse. Pourtant, cette étrangère exilée, femme bannie ou abandonnée, est à l’origine du monothéisme, mais cela ne l’a pas empêché d’être demeurée étrangère dans l’islam, ainsi que l’écrit Benslama (2002 :171), comme si elle était « coraniquement intransmissible » (2002 : 162). Ainsi, elle est doublement Hagar : répudiée au début par son effacement dans LE texte, elle est apparue avec le temps dans d’autres textes, d’abord désavouée comme « la puante », puis, enfin, comme la mère d’Ismaël, voire « l’ancêtre-mère ». Cela dit, pour l’auteur de La psychanalyse à l’épreuve de l’islam, ledit sceau de la prophétie l’islam s’instaure originairement dans le désaveu d’Hagar, l’abandonnée et l’abandon ayant précisément marqué l’expérience spirituelle de l’islam. Alors que Sarah est désignée souvent comme la Femme de l’Autre, Hagar, elle, y est toujours l’autre femme ou le double de la femme, une figure inquiétante et redoutée comme peut l’être Lilith, l’autre femme de l’adam... D’ailleurs, elle détient un pouvoir de voyance, dont aucune femme de la Bible ne dispose. En effet, Hagar voit Dieu et ne meurt pas, puis elle Le nomme et voit dans la terre la source ou l’œil qui sauve. Ainsi, elle voit au-delà du possible, mais elle se fait voir et se montre peut-être trop… C’est pourquoi, elle peut être perçue comme une prostituée, sans compter que « sa matrice s’emprunte ». Il n’en demeure pas moins que Hagar est la seule femme dont une action est reprise symboliquement dans le pèlerinage à la Mecque. En fait, la course de cette mère voulant sauver son fils et qui entend, après avoir effectué le même parcours sept fois, une voix mystérieuse et reçoit l’aide directe d’un ange qui creuse le sol avec ses ailes d’où jaillit une source, appelée le puits de Zamzam, est reproduit chaque année par les pèlerins musulmans entre Safa et Marwah, à quelques mètres de la Kaaba (soi-disant construite par Abraham et Ismaël). Si chercher de l’eau semble une tâche et/ou un rituel de femmes, il appert que, dans le cas de ce récit, Hagar y fait montre de plus d’agentivité que dans le judaïsme. En effet, en islam, Hagar cherche activement de l’eau pour abreuver l’enfant et ne se plaint pas, car Dieu pourvoit, tandis que dans le récit biblique, elle se lamente plus qu’elle ne cherche et ne devient actrice de son propre salut et celui de son fils qu’après un potentiel dialogue avec Dieu.  


Alan Jones


Hagar aux regards contemporains
Dans l’herméneutique contemporaine – qui est une discipline politique où les processus ascendants importent davantage qu’autrefois –, Saraï/Sarah, la femme dominante du récit tient le rôle de la femme blanche et Hagar, celle de la femme noire. En fait, déjà dans un midrash du 10ème siècle, Saraï/Sarah est blanche, parce qu’elle est la maitresse de Hagar qui, elle, est noire, parce qu’elle est une esclave, répudiée et exilée de force. Si aujourd’hui, cette esclave étrangère, monoparentale et abandonnée est devenu un symbole fort dans les communautés afro-américaines, c’est évidemment beaucoup moins le cas de Saraï/Sarah, laquelle est vue comme l’oppresseur, même si son expérience peut quand même être perçue comme celle d’une victime… du patriarcat, notamment en raison de son potentiel viol par les Égyptiens (Gn 12, 15 et 19) ou du simple fait qu’elle est sacrifiée par Abram (« Dis, je te prie, que tu es ma sœur pour que l’on me traite bien à cause de toi et que je reste en vie grâce à toi » (Gn, 12, 13), lequel ne cesse d’ailleurs d’instrumentaliser ses femmes et qui le fera aussi avec son fils. En fait, à travers une lecture bottom-up, il appert que tous représentent des instruments pour sa relation avec le divin. Dans tous les cas, il y a absence de consentement. Cela dit, sous la plume de Jayme R. Reaves (2018), Saraï/Sarah reproduit ce qu’elle a vécu et use de son pouvoir pour perpétuer des abus et de l’injustice, comme si elle se vengeait du traitement subi par son mari sur Hagar. Bien que l’épouse soit dominée par le patriarcat, elle supporte et reproduit le système qui l’avilit en reproduisant un comportement avilissant envers sa servante, et ce, comme on peut l’observer aussi à Gilead dans The Handmaid’s Tale/ La servante écarlate, livre de Margaret Atwood (1985) et série télévisée du même nom crée par Bruce Miller (2017). Tant dans la Bible que dans la dystopie féministe, le statut de mère porteuse met en lumière la souffrance et l’humiliation que le système patriarcal produit, montre que les femmes s’entredéchirent et ne manifestent pas de solidarité basée sur leur genre ou leur oppression similaire, ou, du moins, provenant de la même source. 

Ainsi, Saraï/Sarah fait preuve de cruauté (comme Serena Joy Waterford avec Offred/June Osborne), entraîne le premier départ de Hagar, lequel serait volontaire en 16, 6-14, parce qu’elle serait devenue arrogante et déplaisante une fois enceinte…ou aurait voulue prétendre s’élever au-dessus de son rang…alors qu’elle était peut-être simplement fière d’être mère. Peut-être faut-il simplement comprendre que Saraï/Sarah devint petite aux yeux de Hagar, comme c’est écrit dans le texte, parce que cette dernière brulait de jalousie, voire de mesquinerie… D’ailleurs, de nombreuses années plus tard, le deuxième départ, cette fois forcé confirme en quelque sorte cette hypothèse, dans la mesure où cette répudiation serait illégale quand la mère a donné naissance à un fils. Or, c’est peut-être simplement le statut de mère porteuse qui est problématique, ainsi que je l’ai dit, parce qu’Ismaël n’est pas reconnu comme le fils de Saraï/Sarah, laquelle avait pourtant tous les droits de l’adopter et de ne pas créer de rivalité ou avoir de crainte par rapport à l’héritage. En effet, qu’on le veuille ou non, Ismaël est le fils d’Hagar et d’Abram/Abraham et Hagar doit donc être considérée différemment…N’empêche que des lectures racistes d’hypersexualité mettant le blâme sur la servante, la briseuse de ménage, vont découler de l’Épître aux Galates (Ga 4), à l’intérieur de laquelle Paul réfère au récit biblique comme à une allégorie, où Hagar, qu’il appelle l’abandonnée, symboliserait l’ancienne alliance vouée à la servitude, tandis que Sarah symboliserait la nouvelle, et de la réception de cette dernière par les Pères de l’Église (encore!). Paul la voit comme une pècheresse. Elle et sa descendance symbolisaient la famille impure, conçue hors mariage… Ayoye ! On est loin du texte !

Or, pour y revenir, et ce, par une autre avenue, il convient de rappeler le contexte de la source dite E (parce que Dieu y est dit Élohim tandis qu’il est dit YHWH dans la source Y). Datant du 10ème-9ème siècle, ce texte aurait servi de justification de la monarchie de David à travers l’obéissance aux critères de l’alliance, même si ces derniers sont immoraux. En effet, et qu’on le veuille ou non, les personnes de Dieu que sont Abraham et Sarah sont prêts à laisser mourir par obéissance, avant même qu’il ne soit question de la ligature d’Isaac. Ils sont tous deux trop zélés et peuvent être vus comme des fondamentalistes, dans la mesure où la parole de Dieu outrepasse toute moralité (voir à cet effet Crainte et tremblement de Kierkegaard et Donner la mort de Derrida), dont envers Hagar. Si l’établissement de la maison d’Israël collude ici avec l’abus de pouvoir, il n’en demeure pas moins que, pour Reaves, l’aventure de Hagar est le préambule contrasté de l’aventure spirituelle d’Israël, peuple incessamment ambivalent. D’ailleurs, « on a accusé les juifs d’avoir le contrôle et d’être des parasites de la société, d’avoir inventé le patriarcat et la subversion féministe, d’avoir créé Jésus et de ne pas y croire, d’être trop communistes ou trop capitalistes, d’être trop révolutionnaires ou de trop incarner le système… » (Horvilleur, dans un entretien avec J. Confavreux pour La Revue du Crieur, juin 2019, p. 13)… 

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RÉFÉRENCES
A. Arguetta, 2020, “The Reimagination of Hagar in the Hebrew Bible and Islamic Scripture”, Say Something Theological: The Student Journal of LMU Theological Studies, 2, 2.
F. Benslama, 2002, La psychanalyse à l’épreuve de l’islam, Paris: Flammarion. 
J. Derrida, 1999, Donner la mort, Paris : Galilée. 
S. Kierkegaard, 2000, Crainte et tremblements, Paris : Rivages.
Jayme R. Reaves, 2018, “Sarah as Victim and Perpetrator: Whiteness, Power and Memory in the Matriarchal Narrative, Review and Expositor: 1-27.
Savina J. Teubal, 1997, Ancient Sisterhood: The Lost Traditions of Hagar and Sarah, Ohio University Press.
C. Thompson, 2011, Habibi, New York : Pantheon Book


PIÈCES MUSICALES
Imaginary Traveller de Brian Keane et Omar Faruk
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Soleil d'Égypte de Natacha Atlas


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