À la veille des élections au Sénégal

Étonnement, depuis le mardi précédent le jour tant attendu par des milliers de Sénégalais, du moins celleux qui sont minimalement ou beaucoup politisés, des affiches d’autres candidats apparaissent. Tous les panneaux-réclames* ou presque (et Dieu.e. sait qu’il y en a sur les routes de la ville tentaculaire qu’est Dakar), sont dédiés à la mise en scène de ce théâtre probablement redondant. Dorénavant, les visages des candidats autres que le président surmontent les mortels qui vaquent toujours aussi follement à leurs occupations, dont celui de Sonko, le jeune candidat à qui l’on reproche sa jeunesse, ce qui est plutôt problématique considérant le portrait démographique. Reste que la déférence à l’endroit des aînés reste ici une valeur phare. 






Tous les autres candidats représentent les anciens (Sall a 57 ans, Seck a 60 ans; Issa Sall a 63 ans et Niang a 65 ans), lesquels sont. certes, importants dans l’imaginaire, mais rejoignent conséquemment de moins en moins l’âge médian, qui est de 18 ans (on parle plus précisément de 17,6 ans pour les hommes et de 19,8 ans pour les femmes en 2016 selon l’agence de la stratégie et de la démographie du Sénégal où on précise également que 41% de la population n’a toujours pas la possibilité de voter puisqu'elle est âgée entre 0 et 14 ans) !

Dans la brochure-propagande qu’on m’a remise lors de la soirée Mackie, les cinq bonhommes sont présentés, mais seul celui qui a travaillé durant des années en tant qu’inspecteur des impôts et s’est révolté par tant de corruption mérite de la médisance. En fait, on écrit en toutes lettres que « parmi ses points faibles trône le fait de n’avoir jamais connu une quelconque expérience au sein d’un département ministériel » (Brochure offerte lors de la soirée précédente). Pourtant, il semble que cet aspect soit souvent repoussé du revers de la main, Ousmane parlant à une bonne frange de ceux et celles qui représentent, soit les jeunes éclairés, ce qui ne revient toutefois pas à dire que ceux et celles qui penchent pour l’homme actuellement au pouvoir. Jotna est le mot choisi pour son parti, écrit en majuscules toutes rouges au côté de son visage pas déplaisant du tout et il semble que ce qui peut être traduit par « ce qui arrive » ou « le présent » est entendu, bat au cœur de bien des gens. Ce type de slogan, on le sait, fait sa marque partout, quand ce n’est pas des histoires de changements qui n’arrivent pas, peu ou prou. Tout le monde en rêve, mais n’est peut-être pas encore née la personne qui en a les capacités. Cependant, dans ce pays, le plus prometteur demeure peut-être celui qui se situe le plus à gauche, bien que ce spectre politique ne soit mentionné qu’à la radio, que nous avons la chance d’entendre, de-ci de-là, dans les taxis qui nous amènent à la plage de Yoff. C’est justement sur cette route empruntée journalièrement – la route de l’aéroport qui se trouvait en peine ville, désormais fermée au profit de celui bien nommé Blaise-Diagne qui se trouve fort loin du profit de tous les touristes en mal d’urbanité sale ou de brouhaha fou que je n’ai connu qu’en Afrique –, qu’on peut apercevoir la récente prolifération de publicités électorales. Idrissa Seck*, l’ancien premier ministre, le deuxième favori selon certains, montre de nouvelles photos, beaucoup plus avantageuses, ce qui doit, qu’on le veuille ou pas, le favoriser d’une certaine façon. Un air de cochon, n’importe où, remporte généralement peu le suffrage, convenons-en.

On raconte même que sa visite en prison ne peut que lui servir, dans la mesure où la politique s’apprendrait dans ces lieux concentrationnaires. C’est le Sénégal. La punition liée à la corruption fait peut-être bien de nouvelles têtes à ceux qui en ont bien que trop profité et par ce passage ne voudront peut-être pas recommencer. À mes yeux, c’est toutefois fort étrange que celui qu’on sait taré et criminel puisse même se présenter aux élections présidentielles. Ça montre toute la portée du système, du moins toute l’ampleur de son dérèglement qui perdure et qui, vraisemblablement, va continuer. Le mec s’entête, c’est la troisième fois qu’il se présente pour ce poste uniquement convoité par ledit sexe fort… J’ai aussi pu remarquer un important investissement du parti PUR, qui se faisait jusqu’alors plutôt absent. Ainsi, la drôle de bouille de El Hadji Issa Sall (oui, c’est un patronyme assez commun et les gens le distinguent de l’autre en disant : Issa Sall), assez sympathique par ailleurs, se dispute l’espace des annonces. Il porte le chapeau musulman traditionnel, la djellaba bleue, le sourire quasi enfantin qui donne envie de faire des blagues avec lui plus que de lui donner les rênes du pouvoir. Je parle d’image, n’ayant pas entendu leurs voix, que celles des présentateurs radios qui les vilipendent ou les encensent, et n’ai eu accès à leur plate-forme que via la brochure de l’ingénieur bourrée de fric. Quoi qu’il en soit, on sait, c’est aussi écrit en grandes lettres, que l’ancien directeur d’université est un informaticien, comme si ça changeait quoi que ce soit et comme si c’était mieux qu’être un ancien inspecteur des impôts, car la question demeure : que faut-il bien avoir fait pour être en mesure de diriger/gérer tout un pays, être digne d’une telle tâche? Enfin, le dernier et peut-être le moindre – personne ne mentionnant son nom, hormis au détour d’une conversation pour tous les nommer et hypothétiquement montrer son niveau d’intérêt ou d’intelligence –, c’est Madické Niang* que nous avons davantage vu aux alentours de Saint-Louis, parce qu’il en est originaire, mais qui ne serait pas plus populaire qu’il ne le faut là-bas non plus, même s’il a fait le barreau et que ce type d’études peut être autrement valorisée dans d’autres contrées.

Proche de Wade, le lièvre ou l’animal politique, qui fut au pouvoir longtemps (trop), soit douze ans qui ne correspondent pas nécessairement à un temps de croissance spectaculaire, sans compter toutes les histoires sordides qui essaiment ce règne proche de la terreur (ceci n’engage que l’autrice). En fait, Niang a défendu Abdoulaye dans l’affaire de l’assassinat d’un juge et ne s’aligne plus derrière le PDS en se faisant candidat pour la coalition qui porte son petit nom, sans plus. Cela étant dit, ceux et celles qui ne savent pas ce qui se passe le prochain 24 février, ici, sont soit aveugles, soit sourds, parce que je n’ai sérieusement jamais vu pareil bombardement, pareil mitraillage. Une telle dépense d’argent, c’est assez impressionnant, compte tenu que les rassemblement monstres sont aussi pléthoriques, réunissant pas 50 personnes, mais des foules hilares, hurlantes et manifestement heureuses d’être là, à participer à l’écriture de l’histoire et à la prolifération et à l’accumulation de cochonneries en un point de cette cité déjà terriblement sale, encombrée dans ses déchets, pour ne pas dire embourbée à certains endroits – surtout quand le truck des poubelles ne passe pas ou se fait discret sur le klaxon pour nous avertir de sa venue… C’est comme ça… Des bennes seraient certes bienvenues sous ce soleil dardant et dans ces 27 degrés Celsius de moyenne, mais, même ça, c’est une question politique qui, malgré l’urgence, n’est pas près d’être réglée.  

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